12 juin 2025

Pollution Lumineuse: Faits, Impacts, Solutions

Estonie-Tallinn
Pollution lumineuse typique dans une rue

La pollution lumineuse peut se définir comme l’éclairage artificiel excessif, mal orienté ou inutile qui perturbe l’obscurité naturelle de la nuit. Elle est principalement causée par les lampadaires publics, les enseignes, les bâtiments sur-éclairés, les zones industrielles ou commerciales, et même les éclairages domestiques extérieurs.


Dans le monde, 80% de la population vit sous un ciel pollué. C'est un phénoménisme global et malheureusement en plein essor.


En France, on estime que 85% du territoire est soumis a un fort degré de pollution lumineuse (99% en Europe et aux Etats-Unis) en pleine nuit et par temps clair - le phénomène s'amplifiant par temps couvert car les nuages réfléchissent la luminosité. 


On parle en France de plus de 12 millions de lampadaires (dont près de la moitié obsolètes) et de 3.5 millions d'enseignes lumineuses. 


🔭 En zone urbaine, on ne voit plus que 5 à 10 étoiles à l’œil nu sur les 3 000 visibles naturellement.

Un phénomène en constante augmentation

Non seulement cette pollution est déjà extrêmement élevée, mais elle ne fait que croître. Elle augmente tous les ans d'environ 6% en Europe et aux Etats-Unis.

Le coût est lui aussi astronomique puisque l’éclairage urbain représente en moyenne 41% de la consommation électrique d'une commune! On parle de 5,6 milliards de Kwh nécessaires pour l’éclairage et encore 2 milliards de Kwh supplémentairement pour les enseignes lumineuses représentant un coût annuel de plus de 2 milliards d'euros en France! 

Statistiques éclairage public en France
Un coût de 2 milliards d'euros par an !

Selon EDF, on pourrait économiser entre 30 et 50% de cette énergie avec une utilisation plus raisonnée et des installations plus récentes et adaptées. 

Voici une évolution du ciel en Europe entre 1992 et 2010:


Les formes principales de pollution lumineuse

La forme la plus évidente et la plus visible de pollution lumineuse est ce qu'on appelle le skyglow. Ce halo lumineux visible au-dessus des villes et même bien au-delà est créé par l’éclairage diffus. Il empêche notamment de voir la plupart des étoiles.

On peu considérer la clarté excessive comme un sous-type de skyglow. Ce sont par exemple les éclairages bien orientés mais inutilement fort, souvent par excès de sécurité ou mauvais réglage.
Le lampadaire idiot...

Cela peut parfois générer un éblouissement du fait d'une luminosité trop intense ou mal dirigée. Le problème peut même être dangereux sur la route pour les conducteurs. 

Enfin, le dernier type de pollution est l'intrusion lumineuse. La lumière entre dans un espace où elle n’est pas désirée ou pas censée se diriger, par exemple à travers une fenêtre la nuit (luminosité d'une enseigne ou d'un lampadaire mal dirigée et qui éclaire trop un appartement par exemple).

Comme le graphique le montre ci-dessous, la pollution lumineuse des villes est quasiment aussi intense (selon la longueur d'onde) que lors d'un soir de pleine Lune ! Bien en-dessous, les étoiles deviennent totalement invisibles. 

Luminosité selon les sources de lumière : 

Sans grande surprise, les zones les plus polluées sont les grandes zones urbaines: Paris et l'Ile de France, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Lyon et toute la cote d'Azur. La carte ci-dessous le montre clairement (zones les plus polluées en rouge). Malgré cela, on remarque aussi de nombreuses zones bleutées qui constituent des potentielles réserves.

Malgré les chiffres présentés ci-dessus, la France se positionne comme un pionnier dans la lutte contre la pollution lumineuse avec maintenant 7 réserves internationales de ciel étoilé (RICE):
- la toute dernière en date (2025), le Morvan
- la toute première, en 2013, fut celle du pic du Midi de Bigorre
- sont ensuite venues s'ajouter les réserves des Landes, du Vercors, du Limousin, du Mercantour et des Cévennes.

Pollution lumineuse en France (carte ''Bortle''): en rouge les zones fortement polluées, en bleu foncé peu polluées. 

Conséquences de la pollution lumineuse

Nous avons vu plus haut les coûts financiers et énergétiques lies au gâchis d'un éclairage public trop important. Il existe cependant d'autres conséquences bien plus néfastes à long terme. 

🌱 Conséquences sur l'environnement et la biodiversité

La lumière artificielle perturbe le cycle naturel de la faune et de la flore. Elle nuit au jour/nuit essentiel à la régulation des comportements biologiques:

- les insectes sont attirés et piégés par la lumière. La pollution lumineuse est une cause majeure de la disparition des insectes et menace la pollinisation qui est réduite de près de 60% dans les zones naturelles affectées par trop de luminosité. 
- les oiseaux migrateurs peuvent se désorienter, entrer en collision avec des bâtiments éclairés
- la pollution lumineuse peut perturber les écosystèmes marin jusqu’à 200 m sous l’océan. Les tortues marines nouveau-nées se dirigent vers les villes au lieu de la mer

On peut également citer le coût environnemental lié à la production d’électricité gaspillée (ou inutile), et notamment les émissions de CO2

🩹 Conséquences sur la sante humaine
L’exposition à la lumière artificielle la nuit perturbe notre horloge et nos rythmes biologiques, et notamment la production de mélatonine, une hormone liée au sommeil. 

Elle nuit donc à la qualité de notre sommeil et peut avoir d'autres conséquences à long terme: stress, fatigue chronique, obésité, dépression et troubles du rythme circadien. Ces déséquilibres peuvent favoriser des problèmes métaboliques ou cardiovasculaires, avec des études montrant un risque accru de cancer.

🔭 Conséquences pour l'astronomie
Le skyglow a pour impact direct de réduire fortement ou totalement la visibilité d'une très grande partie des étoiles, mais aussi des objets plus distants en regardant au télescope (galaxies, nébuleuses...). Elle rend leur observation beaucoup plus difficile même avec du matériel puissant et oblige les astronomes à s’éloigner des villes pour observer le ciel.

Si l'on ajoute a cela un autre type de pollution, les satellites, le ciel va bientôt disparaître sous nos yeux si rien n'est fait ! 

Croissance des lancements de satellites

Depuis les années 2010, on constate une augmentation exponentielle des lancements, portée par les nouvelles entreprises pour la ''conquête de l'Espace'': Starlink, BlueOrigin, OneWeb, Kuiper…. 


Lancement de satellites par année depuis 1957
Lancements de satellites par année depuis 1957

En 2023, environ 2 800 satellites ont été mis en orbite, dont 1 500 rien que pour StarlinkLe nombre de tentatives de lancement orbitales a atteint un record : 223 tentatives en 2023, avec 211 succès.

2023 on comptait déjà 9 115 satellites actifs. Puis en Mai 2025, le nombre était déjà monté a 11 700 satellites actifs en orbite terrestre basse, et 14 900 en prenant en compte les satellites inactifs (en orbite cimetière). Le plus gros lanceur est de loin Starlink, qui représente plus de 60 % des satellites actifs (7 400 environ).

Le principal enjeu est la possible saturation de l'orbite basse et la prévention des collisions. En effet, au rythme actuel, on devrait arriver autour de 50 000 satellites en orbite basse d'ici 2030 et prés de 100 000 en 2040, 10 fois plus qu'aujourd'hui !

Entre temps autant de satellites vont s'accumuler sur une orbite cimetière et tout un tas de débris spatiaux (space junk) devront être surveillée pour empêcher une collision en cascade, un phénomène connu sous le nom de syndrome de Kessler. 

Animation du syndrome de Kessler

Dans ce scénario théorisé en 1978 par Donald J. Kessler, un astrophysicien américain, les débris en orbite basse seront devenus tellement importants que les objets sont souvent heurtes par des débris qui créent eux-même de nouveaux débris qui iront heurter d'autres objets... augmentant exponentiellement le nombre d'impacts. Ce scénario catastrophe rendrait l'orbite basse inutilisable pendant plusieurs générations - et donc l'exploration spatiale impossible.

Il existe aussi un impact direct sur l'astronomie. Les satellites qui passent dans le ciel perturbent l'observation en laissant des traînées.

Voici à quoi ressembleraient les nébuleuses de la Flamme et de la Tête de Cheval si on laissait la traînée des satellites:
les nébuleuses de la Flamme (NGC 2024) et de la Tête de Cheval (IC 434) si on laissait la traînée des satellites

Solutions concrètes

Les solutions existent et sont en fait très simples à appliquer. Elles nécessitent seulement un peu de volonté et de courage politique. 

Utiliser des luminaires bien orientés:
- diriger la lumière vers le sol uniquement, jamais vers le ciel ou les façades
- éviter les globes lumineux ou lampes sans abat-jour qui diffusent dans toutes les directions
- privilégier des luminaires “full cut-off” (coupure totale vers le haut)
Les bons et moins bons éclairages
Les bons et moins bons éclairages

Réduire l’intensité lumineuse
- utiliser le strict nécessaire : pas besoin d’un projecteur pour éclairer une entrée
- installer des ampoules basse puissance, adaptées à l’usage (par ex. 300 lumens pour un chemin)
- éviter la lumière blanche froide (LED bleues), qui disperse plus dans l’atmosphère

Limiter la durée d’éclairage
- minuteries, détecteurs de mouvement ou extinction automatique après minuit
- ne pas laisser les lumières de jardins, vitrines ou enseignes allumées toute la nuit
- forcer les magasins et bureaux à éteindre leurs éclairages de nuit (et même des la fermeture)
- éteindre complètement la nuit (de minuit à 6h par exemple). En France, déjà plus de 10 000 communes éteignent tout la nuit et leur expérience montre qu'il n'y a pas plus d'accidents ou de délits en l'absence de lumière. Plutôt le contraire d'ailleurs puisque les conducteurs font plus attention et le manque d’éclairage public empêche tout rassemblement 'social'. 

 Choisir des technologies responsables
- privilégier des LED à spectre chaud (<3000K) ou ambre, moins nuisibles à la biodiversité
- installer des systèmes de gradation selon l’heure ou la présence
Nombre d’étoiles visibles avec une lampe 'sodium basse pression' et avec une LED
Nombre d’étoiles visibles avec une lampe 'sodium basse pression' (en haut) et avec une LED (en bas)

Sensibiliser et réglementer localement
- encourager les communes à 
- adopter des chartes d’éclairage
- mettre en place des zones de ciel étoilé
- réglementer l’éclairage public, commercial et décoratif
- organiser des nuits sans lumière pour éveiller les consciences

📍 Cas concrets de retours sur investissement
- la commune de Mouans-Sartoux (06) a baissé de 65 % sa consommation d'électricité en 3 ans
- l’agglomération de Dunkerque fait une économie annuelle de 400 000 € en éclairage public
- le label “Villes et villages étoilés” a été délivré à plus de 700 collectivités par l’ANPCEN

Dans le débat grandissant concernant la protection de l'environnement, la pollution lumineuse n'est quasiment jamais évoquée. Souvent négligée, c'est pourtant une forme de nuisance moderne qui a des impacts réels sur notre santé, la biodiversité, l’environnement et notre lien avec le ciel étoilé.

La pollution lumineuse n’est pas une fatalité. Avec des gestes simples, des choix techniques raisonnés et un peu de volonté collective, on peut retrouver des nuits noires propices à la biodiversité, au sommeil, à l’économie d’énergie… et aux étoiles.

Quelques outils pour terminer si vous souhaitez vous engager ou faire passer le mot à votre commune:

- une infographie sur la pollution lumineuse créée par jourdelanuit.fr
- un PDF qui regroupe les principaux points abordés dans cet article: constats, impacts, solutions


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