SOMMAIRE
Antiquité: les débuts de l'astronomiePtolémée et son Almageste
L'Âge d'Or de l'Astronomie Islamique
Déclin de l'Âge d'Or Islamique et Renaissance scientifique en Europe
19e siècle : l'astronomie devient une science physique
Exploration du Système solaire (sondes)
Exploration humaine de l'Espace
Antiquité: les débuts de l'astronomie (de -3000 au Moyen-Age)
Environ 2000 a 3000 ans avant J-C, en Mésopotamie, les Sumériens, Babyloniens et Assyriens développent des systèmes de calendrier basés sur les cycles lunaires, observent et prédisent les éclipses, et créent les premières cartes célestes et listes de constellations. Ils sont les premiers à utiliser des méthodes mathématiques pour l'astronomie. Ils utilisent notamment des étoiles pour l’agriculture et la navigation.Thalès - premier astronome?
Bien que peu de ses écrits aient survécu, les témoignages postérieurs (notamment ceux d'Aristote ou Hérodote) nous permettent de reconstituer certaines de ses contributions, notamment en astronomie.
Selon Hérodote, Thalès aurait prédit une éclipse solaire qui mit fin à une bataille entre les Mèdes et les Lydiens. Même si les détails sont discutés par les historiens modernes (la précision d'une telle prédiction sans modèles mathématiques avancés reste douteuse), cela témoigne de son intérêt pour les phénomènes célestes cycliques. L’éclipse en question aurait eu lieu le 28 mai 585 av. J.-C., ce qui correspond à une éclipse réellement observable en Asie Mineure.
Thalès aurait voyagé en Égypte et peut-être en Babylonie, où il aurait appris les bases de l’astronomie mésopotamienne, notamment les cycles lunaires et solaires, et aurait introduit ces savoirs en Grèce, jetant les bases de l’astronomie grecque rationnelle.
Il aurait aussi proposé que la Lune n’émet pas sa propre lumière, mais réfléchit la lumière du Soleil, une idée novatrice à l’époque, et que cela expliquerait les phases lunaires. Il aurait avancé que les éclipses de Lune résultent de l’ombre de la Terre projetée sur la Lune, ce qui correspond à notre compréhension actuelle des éclipses lunaires.
Enfin, Thalès est souvent cité comme le premier à avoir tenté une explication rationnelle et géométrique des phénomènes naturels, sans recourir aux mythes. Il aurait aussi mesuré la hauteur des pyramides en utilisant les ombres, montrant ainsi une application du raisonnement géométrique à la nature.
Anaximandre: l'élève dépasse le maître?
Cela implique une tentative de quantifier la distance et la taille des astres, même si les valeurs qu’il propose sont arbitraires.
Il aurait été l’un des premiers Grecs à utiliser un gnomon (instrument vertical projetant une ombre) pour mesurer la hauteur du Soleil, les solstices et les équinoxes et les saisons. Cela montre un effort de mathématisation du ciel à des fins pratiques.
Héritage et importance
Bien que ses modèles aient été dépassés, Anaximandre est crucial pour l’histoire de l’astronomie car il ouvre la voie à une pensée rationnelle en cherchant des causes naturelles aux phénomènes ; géométrique en pensant le cosmos en volumes, distances et cercles ; et théorique en ne se contentant pas seulement d’une observation empirique. Il influence de nombreux penseurs qui vont lui succéder en posant les bases d’une cosmologie cohérente et systémique.Apports de l’antiquité jusqu'au Moyen-Age
Pythagore (vers -570 à -495 av. J.-C.) est traditionnellement considéré comme l’un des premiers à avoir proposé que la Terre était sphérique, plutôt que plate, une idée qui allait profondément influencer la pensée grecque et occidentale.Vers le 4e siècle av J-C, c'est Aristote qui propose un modèle géocentrique : la Terre est au centre de l’Univers.
Ptolémée et son Almageste: un modèle qui perdurera 1300 ans !
Crise Cosmologique en Europe
L'Âge d'Or de l'Astronomie Islamique: 8e - 13e siècles
Al-Battani (vers 858 – 929)
- la durée de l’année solaire, qu’il calcule à 365 jours, 5 heures, 46 minutes et 24 secondes, soit seulement 2 minutes d’erreur comparé à la valeur actuelle.
Il découvre par ailleurs la variation de l’aphélie du Soleil. Il observe que la position du Soleil à son apogée (ou aphélie) change lentement au fil du temps, anticipant ce que l’on appelle aujourd’hui la précession de l’ellipse terrestre.
Cette variation de l’orbite du Soleil autour de la Terre (selon son modèle) traduit en réalité un phénomène héliocentrique, mais à son époque cela restait encore inconcevable.
Son œuvre principale est le Kitāb al-Zīj (le "Livre des Tables"), un traité monumental rassemblant ses observations et ses calculs. Il est traduit en latin au XIIe siècle sous le titre De Scientia Stellarum.
Ce texte influencera durablement les astronomes européens, notamment Copernic, Regiomontanus, Tycho Brahe et Kepler.
Al-Sufi (903-986)
Al-Sufi (nom complet : Abd al-Rahman al-Sufi, parfois latinisé en Azophi) fut un éminent astronomepersan du Xe siècle, né en 903 à Rey (près de l’actuelle Téhéran) et mort en 986. Il est surtout célèbre pour avoir fusionné l’héritage grec (notamment le catalogue d’Hipparque et de Ptolémée) avec les observations propres à la tradition islamique et à son époque. Son œuvre a eu une influence profonde et durable, tant dans le monde islamique que dans l’Europe médiévale.

Son œuvre majeure s’intitule en arabe: "Kitāb Ṣuwar al-Kawākib al-Thābita" , ou Le Livre des Constellations des Étoiles Fixes, achevé en 964.
Cet ouvrage est l’un des premiers manuels d’astronomie illustrés de l’histoire. C'est une mise à jour critique - et illustrée donc - du catalogue de Ptolémée, tiré de l’Almageste, enrichi par des observations propres d’Al-Sufi, des descriptions plus précises des constellations, des illustrations détaillées montrant les étoiles sous deux angles.
Al-Sufi compare systématiquement les données de Ptolémée (magnitudes, positions) avec ses propres observations réalisées depuis la Perse. Il corrige les magnitudes apparentes de nombreuses étoiles, il ajuste leurs coordonnées (longitude et latitude célestes), il ajoute des commentaires culturels (noms arabes, légendes, positions saisonnières).
Ce "nuage" est aujourd’hui reconnu comme la galaxie M31, visible à l’œil nu par ciel clair.
Le Livre des étoiles fixes a été copié pendant des siècles, souvent accompagné de magnifiques illustrations manuscrites. Il a influencé les astronomes musulmans et les savants européens du Moyen Âge, via les traductions latines ultérieures. L’astronome Johann Bayer et d’autres se sont appuyés sur ses travaux pour établir des cartes stellaires modernes.
En son honneur, un cratère lunaire a été baptisé "Azophi".
Ibn al-Haytham (965 - 1040)
Ibn al-Haytham (en arabe : ابن الهيثم, latinisé en Alhazen) est l’un des plus grands savants du monde islamique médiéval, né vers 965 à Bassora (actuel Irak) et mort vers 1040 au Caire. Il est surtout connu comme le père de l’optique moderne, mais ses travaux ont également eu un impact important sur l’astronomie, les mathématiques, et la méthode scientifique dans son ensemble.Dans plusieurs traités, Ibn al-Haytham remet en question le modèle géocentrique de Ptolémée, non pas parce qu’il propose une alternative (il reste géocentriste), mais parce qu’il dénonce les irrégularités géométriques du système (notamment l’usage de l’équan, qui viole le principe du mouvement circulaire uniforme). Il considère aussi que les hypothèses de Ptolémée ne sont pas en accord avec la physique d’Aristote.
Bien qu’il n’apporte pas de modèle alternatif au géocentrisme, son œuvre alimente un débat critique sur la validité du système ancien, essentiel pour faire évoluer l’astronomie.
Il démolit l’idée grecque que la vision résulte d’un rayon émis par l’œil (théorie de l’émission) et démontre que la lumière entre dans l’œil depuis une source extérieure, ce qui jette les bases de l’optique moderne.
Il décrit avec précision la réfraction de la lumière dans différents milieux, le fonctionnement de l’œil humain et la formation des images sur une surface.
Ces concepts seront fondamentaux plus tard pour la construction de lentilles, lunettes astronomiques et télescopes, bien que ceux-ci apparaîtront bien après sa mort.
Son œuvre a été traduite en latin dès le XIIe siècle, notamment en Espagne (Toledo), sous le nom Alhazen.
Kepler, en particulier, reconnaîtra l’importance des travaux d’Ibn al-Haytham sur la vision dans ses propres études sur l’optique astronomique.
Aujourd’hui, le cratère lunaire Alhazen porte son nom.
Al-Biruni (973 - 1050)
- Mesure de la circonférence de la Terre: l’un des plus célèbres exploits d’Al-Biruni fut de calculer la circonférence de la Terre. Il utilisa une méthode ingénieuse basée sur la trigonométrie et la hauteur d’une montagne. En mesurant l’angle d’abaissement de l’horizon depuis le sommet, il put calculer le rayon terrestre, et donc la circonférence. Il trouva une valeur très proche de la réalité : environ 40 200 km, soit moins de 1% d’erreur par rapport à la valeur moderne.
- Son œuvre magistrale : al-Qānūn al-Mas‘ūdī, un traité en 11 volumes, rédigé vers 1030, souvent considéré comme son chef-d'œuvre en astronomie. Il contient des tables astronomiques très précises, des révisions des paramètres planétaires donnés par Ptolémée, des méthodes de calcul trigonométriques et sphériques, des réflexions théoriques sur le mouvement des astres et la structure de l’univers. Le Qānūn est une sorte d’encyclopédie astronomique qui anticipe les besoins d’une science d’observation moderne.
- Études sur la Lune et les éclipses: Al-Biruni s’est aussi intéressé aux phénomènes lunaires et solaires. Il a expliqué de façon rigoureuse la cause des éclipses, estimé la distance Terre-Lune et Terre-Soleil à l’aide d’observations d’éclipses, et il a compris que la lumière de la Lune est réfléchie, et non émise par elle-même.
L’un des aspects les plus fascinants d’Al-Biruni est son ouverture intellectuelle.
Il affirme qu’il n’est pas possible de trancher, par l’observation seule, entre le géocentrisme et l’héliocentrisme. Autrement dit, il envisage l’héliocentrisme (bien avant Copernic), sans pouvoir le prouver empiriquement.
- Observation du ciel et instruments: Al-Biruni a contribué à l’amélioration des astrolabes et quadrants, à l’usage de méridiens pour calculer les durées des jours, à l’étude des étoiles fixes et de leur mouvement apparent et à la compréhension des phénomènes de réfraction atmosphérique (déviation des rayons lumineux à l’horizon).
Il est l’un des premiers comparatistes des systèmes astronomiques, jetant des ponts entre civilisations.
En 1970, l’astronome américain George Sarton écrivit :"Al-Biruni fut l’un des plus grands esprits scientifiques de tous les temps."
Un cratère lunaire porte aujourd’hui son nom : Al-Biruni.
Al-Tusi (1201–1274)
Nasir al-Din al-Tusi (1201–1274), philosophe, mathématicien, astronome et savant persan, est considéré comme l’un des plus grands astronomes du monde islamique médiéval. Son œuvre a non seulement corrigé des éléments du modèle de Ptolémée, mais elle a également préfiguré certaines idées de l’astronomie moderne, au point d’avoir influencé, selon certains historiens, les travaux de Copernic.Al-Tusi vécut à une époque marquée par l’instabilité politique (notamment les invasions mongoles), mais malgré cela, il fonda un observatoire exceptionnel à Maragha (actuel Iran), qui devint un centre scientifique majeur du XIIIe siècle.
- Création de l’observatoire de Maragha (1259)
Sous le patronage du souverain mongol Hülegü, Al-Tusi fonde l’observatoire de Maragha, qui possédait notamment des instruments astronomiques de grande précision (quadrants, armilles, sphères…), une équipe internationale de savants, une immense bibliothèque scientifique.
Cet observatoire est considéré comme l’un des modèles des grands observatoires modernes, comme celui d’Ulugh Beg à Samarcande ou de Tycho Brahe à Uraniborg.
- Le couple de Tusi : une révolution géométrique
Son invention la plus célèbre est le "couple de Tusi" (ou "Tusi couple"). Il s’agit d’un dispositif géométrique composé de deux cercles imbriqués. Il permet de transformer un mouvement circulaire uniforme en un mouvement linéaire oscillant.
Cette innovation était destinée à remplacer certains éléments problématiques du système ptolémaïque (comme l’équan), sans rompre avec le principe aristotélicien du mouvement circulaire parfait.
Ce mécanisme sera retrouvé, modifié, dans les écrits de Copernic : certains chercheurs pensent qu’il s’en est directement inspiré.
- Critique du système de Ptolémée. Al-Tusi ne remet pas en cause le géocentrisme, mais il critique ouvertement certains aspects du modèle de Ptolémée. Il dénonce le recours à des artifices mathématiques (comme l'équan) qui contredisent la physique d’Aristote. Il cherche des modèles mathématiquement équivalents, mais physiquement plus acceptables, dans une perspective de cohérence philosophique. Cette volonté d’unifier mathématiques et physique est essentielle dans l’histoire de l’astronomie.
Ce grand corpus astronomique compile des données d’observations précises (positions des planètes, durées, conjonctions…), des corrections des tables de Ptolémée et des modèles géométriques innovants.
Ce traité influencera plusieurs générations d’astronomes, notamment al-Shatir à Damas, puis Copernic indirectement.
Nasir al-Din al-Tusi fut un pionnier discret mais décisif dans la construction d’une astronomie mathématiquement rigoureuse et philosophiquement cohérente, à la charnière entre le monde antique et la Renaissance.
Omar Khayyam (1048 - 1131)
Omar Khayyam est surtout connu aujourd’hui comme un poète philosophe pour ses célèbres Rubâ’iyyât (quatrains), mais il fut aussi un mathématicien, astronome et savant majeur de la science persane. Son génie en astronomie se manifeste dans des travaux fondamentaux de calendrier, d’observation céleste et de géométrie céleste. Moins prolifique que d’autres grands astronomes de son époque, il a cependant laissé une empreinte décisive dans l’histoire de l’astronomie et du temps.- La réforme du calendrier persan : un chef-d'œuvre de précision
L'apport le plus spectaculaire d’Omar Khayyam à l’astronomie est la réforme du calendrier solaire, entreprise à la demande du sultan Malik Shah (empire seldjoukide) autour de 1074–1079.
Sous sa direction, un groupe d’astronomes élabora le calendrier Jalālī (du nom du sultan Jalāl ad-Dawla Malik Shah). Ce calendrier repose sur l’année solaire réelle et non sur des approximations lunaires ou symboliques.
En termes de décalage annuel, le calendrier Jalālī dérive de 1 jour en 5000 ans, contre 1 jour en 3300 ans pour le calendrier grégorien.
Ce calendrier a servi de base au calendrier iranien moderne, toujours en usage aujourd’hui, et considéré comme le plus précis jamais conçu manuellement.
Pour mener à bien la réforme du calendrier, Khayyam travaille à l’observatoire royal d’Ispahan, construit pour l’occasion.
L’équipe observe pendant plusieurs années les solstices et équinoxes, le mouvement apparent du Soleil et les conjonctions planétaires.
Ces observations permettent de recalibrer le cycle des saisons et de fixer le début de l’année au moment du Nowruz (l’équinoxe de printemps), à la minute près.
Al-Zarqali (1029 - 1087)
Al-Zarqali (ou Azarquiel, nom latinisé), né vers 1029 à Tolède (Espagne musulmane) et mort vers 1087, fut un astronome, mathématicien et ingénieur andalou. Il est considéré comme l’un des plus grands savants du monde islamique occidental (Al-Andalus), dont l’œuvre a profondément influencé l’astronomie médiévale arabo-musulmane et latine.- Création des Tables de Tolède
Al-Zarqali est l’un des auteurs principaux des Tables de Tolède, un ensemble de données astronomiques compilées à partir des travaux de Ptolémée qu’il corrige, d’astronomes arabes (comme Al-Battani), et de ses propres observations.
Ces tables contiennent les mouvements des planètes, les éclipses, les conjonctions astrales et des calendriers précis.
Ces tables furent traduites en latin dès le XIIe siècle et influencèrent profondément les astronomes européens jusqu’à Copernic.
- Découverte du déplacement de l’aphélie du Soleil
Al-Zarqali remarque que l’orbite du Soleil évolue dans le temps, et que la position de son aphélie se déplace lentement. Ce phénomène, aujourd’hui interprété comme la précession de l’orbite terrestre, avait aussi été entrevu par Al-Battani.
Il calcule ce mouvement à environ 12 secondes d’arc par an, une valeur très proche de celle mesurée aujourd’hui (11,6). Il propose une orbite elliptique en mouvement lent, en rupture avec l’idée d’un Soleil immobile par rapport aux étoiles fixes.
Cette idée contredit partiellement le modèle ptolémaïque et préfigure certaines intuitions du système héliocentrique.
- Construction de l'astrolabe universel
Al-Zarqali conçoit un astrolabe universel, une innovation technique remarquable car contrairement aux astrolabes classiques, qui devaient être adaptés à une latitude donnée, le sien pouvait fonctionner à toutes les latitudes, rendant son usage plus souple pour les astronomes, navigateurs et astrologues.
Ce fut une révolution instrumentale, diffusée dans le monde islamique comme en Occident.
- Écriture du Sahîh al-Zīj ("Traité vérifié des tables astronomiques")
Dans ce traité, Al-Zarqali défend un modèle épicyclique légèrement différent de celui de Ptolémée. Il introduit une longitude variable du Soleil et donne des formules très précises pour le calcul des positions célestes.
Déclin de l'Âge d'Or Islamique et Renaissance scientifique en Europe (15e - 17e siècles)
L'Âge d'or islamique a été une période de floraison scientifique et culturelle remarquable, notamment en astronomie, du 8e au 143 siècle. Son déclin et la simultanée renaissance de la science en Europe ont plusieurs explications.
Tout d'abord, l'Empire Abbaside se fragmente. Le pouvoir central de Bagdad s'affaibli pour donner naissance a des dynasties indépendantes, conduisant à une instabilité politique. Les califes, qui avaient auparavant soutenu généreusement la recherche scientifique (comme Al-Ma'mūn), ont vu leur influence et leurs ressources diminuer.
Ajoutons a cela les invasions mongoles qui, en 1258, vont conduire a la destruction de Bagdad. Un coup dévastateur pour les centres intellectuels, les bibliothèques et les observatoires.
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Le siège de Bagdad en 1258 |
On observe également des changements au niveau des priorités intellectuelles. L'intérêt pour la science pure, comme l'astronomie théorique, a diminue au profit d'autres domaines et notamment d'une interprétation plus stricte des textes religieux. Certains érudits religieux ont commencé à exprimer une méfiance croissante envers la philosophie et les sciences rationnelles, considérées comme potentiellement déviantes.
Ainsi, dans certaines régions, des pressions religieuses ou sociales ont pu entraver l'innovation et la libre pensée, par exemple la destruction de l'observatoire de Constantinople en 1580 sous l'ordre du sultan Mourad III.
Alors que l'Europe est en plein révolution intellectuelle, le monde islamique ne connait pas de rupture radicale avec les modèles astronomiques établis (comme celui de Ptolémée), malgré des critiques et des raffinements significatifs.
Nicolas Copernic (1473-1543) ouvre la voie a l'astronomie moderne
Avant Copernic, l’univers était conçu selon le modèle géocentrique de Ptolémée, où la Terre se trouvait au centre, immobile, et tous les astres tournaient autour d’elle.
Vers 1510–1530, Copernic, notamment inspiré par les révisions des grands penseurs arabes (mais aussi par Aristarque), élabore un nouveau modèle cosmologique où:
Ce modèle permettait d’expliquer les rétrogradations planétaires (le mouvement apparent en arrière de certaines planètes) de façon plus naturelle que le système de Ptolémée, qui nécessitait des épicycles complexes.
Attention, Copernic n’a pas prouvé que le Soleil était au centre de l’univers, cela viendra plus tard, mais il a déplacé le centre de gravité de la pensée humaine en mettant la Terre en mouvement, il a ouvert la voie à une vision scientifique, dynamique et décentrée de l’univers.
Cependant, l’idée principale que la Terre n’est pas au centre de l’univers fut une rupture immense pour l’époque !
À court terme, peu d’astronomes adhérèrent à sa vision, car elle allait à l’encontre des Écritures et du sens commun (on ne "sent" pas la Terre bouger).
Mais à long terme, son œuvre inspira profondément des figures comme Galilée, Kepler et Newton, qui fourniront ensuite les preuves observationnelles (lunette, lois des orbites, gravitation) confirmant et dépassant son modèle.
L’Église catholique mit De revolutionibus à l’Index des livres interdits en 1616, à cause de son incompatibilité avec la lecture littérale de la Bible.
1546-1601 : Tycho Brahe
Principaux apports de Tycho Brahe à l’astronomie :
Tycho Brahe construisit et utilisa des instruments astronomiques monumentaux qu’il perfectionna lui-même, notamment des quadrants, astrolabes, sextants, et un grand cercle méridien permettant des mesures angulaires très fines.
Grâce à ces outils, il réalisa des observations d'une précision remarquable (à 1 arcminute près), sans lunette.
Observation de la "nouvelle étoile" de 1572
En 1572, Tycho observa une supernova dans la constellation de Cassiopée (la "nova stella") et démontra que cette étoile n’était pas un phénomène atmosphérique, comme on le croyait à l’époque. Cela prouvait que le ciel des étoiles fixes n’était pas immuable, contredisant un dogme aristotélicien majeur.
C’est l’un des premiers grands coups portés à la cosmologie antique.
L'observation de la comète de 1577
Tycho observa cette comète pendant plusieurs semaines et montra, grâce à des mesures de parallaxe, qu’elle se trouvait au-delà de l’orbite lunaire, ce qui allait contre la théorie des sphères célestes solides d’Aristote et Ptolémée. Cela renforçait l’idée que les corps célestes pouvaient se mouvoir librement dans l’espace.
Un modèle cosmologique intermédiaire : le "système de Tycho"
Tycho rejette le modèle copernicien pour des raisons religieuses et physiques (absence de parallaxe stellaire mesurable à l’époque), mais il reconnaît les insuffisances du modèle géocentrique pur.
Il propose donc un modèle géo-héliocentrique hybride:
Ce modèle cherchait à concilier les observations précises avec une cosmologie acceptable pour les autorités religieuses. Il fut assez influent au tournant du 17e siècle.
En 1599, Tycho Brahe engage Johannes Kepler comme assistant à Prague. À sa mort en 1601, Kepler hérite de toutes ses données d’observation, en particulier celles sur la planète Mars. Grâce à ces données, Kepler découvrira ses trois lois du mouvement planétaire, fondations de la mécanique céleste moderne.
Sans les observations de Tycho, ces découvertes n’auraient probablement pas été possibles à ce moment-là.
Tycho Brahe fut un astronome de transition, entre l’observation ancienne et la science moderne. S’il n’a pas adhéré à l’héliocentrisme, sa méthode rigoureuse et empirique a préparé la Révolution scientifique. Il a, en somme, donné les yeux à Kepler, qui a su ensuite voir plus loin.
Johannes Kepler (1571–1630)
Les Trois Lois du Mouvement Planétaire
Entre 1609 et 1619, Kepler formule trois lois fondamentales qui décrivent le mouvement des planètes autour du Soleil, à partir des observations de Tycho Brahe :
- Loi des orbites (1609): les planètes décrivent des orbites elliptiques, dont le Soleil occupe l’un des foyers. Cette loi rompt avec la tradition aristotélicienne et ptoléméenne qui imposait des cercles parfaits et des épicycles.
- Loi des aires (1609): une ligne imaginaire reliant une planète au Soleil balaie des aires égales en des temps égaux. Cela signifie que la vitesse d’une planète varie : elle est plus rapide quand elle est proche du Soleil (périhélie) et plus lente quand elle en est éloignée (aphélie).
"Astronomia Nova" (1609), dans lequel il présente les deux premières loi et "Harmonices Mundi" (1619), où il expose la troisième loi.
"Rudolphine Tables" (1627): regroupe des tables astronomiques extrêmement précises, basées sur ses lois et les données de Tycho, utilisées pendant plus d’un siècle.
Défense de l’héliocentrisme
Kepler fut l’un des premiers à adopter et défendre pleinement le système héliocentrique de Copernic, mais en le corrigeant: il abandonne l'idée que les orbites soient circulaires, et démontre qu’elles sont elliptiques.
Il fait ainsi passer l’héliocentrisme d’un modèle théorique à une réalité physique mathématiquement démontrable.
Kepler est l’un des premiers astronomes à rechercher des causes physiques aux mouvements célestes, et non plus seulement des modèles géométriques. Par ailleurs, il émet l’idée d’une force exercée par le Soleil, préfigurant la notion de gravitation.
Galileo Galilei (1564 -1642)
Il est l’une des figures fondatrices de la science moderne, et un pionnier majeur de l’astronomie instrumentale. Grâce à ses observations au télescope, à sa méthode expérimentale et à sa défense du système héliocentrique de Copernic, Galilée a profondément bouleversé notre vision du cosmos. Il a été l’un des premiers à affirmer que le ciel n’était pas immuable, mais bien fait de matière sujette au changement, tout comme la Terre.Utilisation du télescope pour observer le ciel
En 1609, après avoir entendu parler de l’invention de la lunette optique aux Pays-Bas, Galilée en construit une version améliorée et la tourne vers le ciel. Il devient ainsi le premier à utiliser un instrument d’optique pour explorer l’Univers. Ses découvertes ont un impact colossal.
Il montre que la Voie lactée est composée d’une multitude d’étoiles invisibles à l’œil nu, révélant un ciel bien plus vaste qu’imaginé jusque-là.
- Les phases de Vénus
Il observe que Vénus présente des phases similaires à celles de la Lune, ce qui confirme que la planète tourne autour du Soleil et non autour de la Terre, un argument crucial en faveur de l’héliocentrisme.
- Les satellites de Jupiter (lunes galiléennes)
En 1610, il découvre quatre lunes orbitant autour de Jupiter : Io, Europe, Ganymède et Callisto. Cela prouve qu’un corps céleste peut posséder des satellites, donc tout ne tourne pas autour de la Terre.
En observant des taches sombres mouvantes à la surface du Soleil, il démontre que le Soleil lui-même change, ce qui contredit encore une fois la doctrine d’un ciel immuable.
Bien que souvent plus célèbre pour son astronomie, Galilée est aussi un fondateur de la physique moderne. Il étudie le mouvement des corps et formule les premières lois de la chute libre. Il rejette l’autorité des textes anciens et insiste sur l’expérimentation et la mathématisation des phénomènes physiques. Il est l’un des premiers à unifier le ciel et la Terre sous les mêmes lois physiques.
En 1633, Galilée est jugé par l’Inquisition pour avoir soutenu ouvertement le système copernicien, jugé alors hérétique. Il est contraint d’abjurer ses convictions sous peine de torture, et placé en résidence surveillée jusqu’à la fin de sa vie.
Isaac Newton (1642–1727)
La loi de la gravitation universelle
C’est sans doute sa contribution la plus célèbre. Dans son œuvre majeure Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica (1687), Newton énonce que tous les corps de l’univers s’attirent mutuellement avec une force proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. Cette loi permet, pour la première fois, d’expliquer à la fois la chute des corps sur Terre et le mouvement des planètes dans le ciel par une même force naturelle: la gravité.
Grâce à cette loi, Newton parvient à démontrer que le mouvement elliptique des planètes, décrit empiriquement par Kepler, découle d’une loi physique universelle. Cela explique également la trajectoire des comètes, autrefois considérées comme imprévisibles mais avant tout a unifier la physique terrestre et la physique céleste dans une même théorie cohérente.
Newton formalise les trois lois du mouvement qui régissent tous les objets en mouvement :
- Relation entre force et accélération: F=maF = maF=ma, c’est-à-dire que la force appliquée à un objet est égale à sa masse multipliée par son accélération.
- Action et réaction: à toute action correspond une réaction de même intensité et de sens opposé.
Ces lois permettent de modéliser avec précision le mouvement des corps célestes, et sont à la base de la mécanique céleste moderne.
Révolution optique et conception du télescope
Newton a aussi joué un rôle pionnier dans l’optique astronomique. Il démontra que la lumière blanche est composée de toutes les couleurs du spectre visible, en utilisant un prisme.
Mais surtout, pour éviter les aberrations chromatiques des lunettes astronomiques, il construisit en 1668 le premier télescope à miroir: le télescope de Newton, ou télescope newtonien. Cette innovation majeure permet une image plus nette et plus lumineuse, sans dispersion de la lumière. C’est un modèle encore très utilisé aujourd’hui, notamment par les astronomes amateurs.
La mécanique céleste moderne
En combinant ses lois du mouvement et sa loi de gravitation, Newton fonda la mécanique céleste moderne. Il montra qu’on pouvait, à partir de principes mathématiques simples, prédire le mouvement des planètes, des satellites, et même des marées.
Héritage et impact durable
Newton établit les fondations sur lesquelles reposera toute l’astronomie physique jusqu’au XXe siècle. Il inspira Laplace qui développa une mécanique céleste analytique, Einstein, dont la théorie de la relativité générale peut être vue comme un approfondissement et une généralisation de la gravitation newtonienne mais encore toute l’astronautique moderne, qui utilise encore les équations de Newton pour lancer satellites et sondes.
En résumé, Isaac Newton a donné à l’astronomie ses lois fondamentales, unifiant le mouvement des astres et les phénomènes terrestres sous une même science mathématisée. Son œuvre a permis à l’homme de ne plus seulement observer le ciel, mais de le comprendre et le prédire, ouvrant la voie à l’exploration de l’univers.
18e et 19e siècles : l’astronomie se professionnalise
Edmond Halley (1656–1742)
Edmond Halley (1656–1742) fut l’un des astronomes les plus brillants de son époque, et ses contributions à l’astronomie sont aussi variées que décisives, bien qu’il soit surtout connu pour avoir prédit le retour de la comète qui porte aujourd’hui son nom.En 1705, Halley publie Synopsis of the Astronomy of Comets, un ouvrage dans lequel il analyse les observations de 24 comètes apparues entre 1337 et 1698. En comparant les orbites, il conclut que les comètes observées en 1531, 1607 et 1682 sont en réalité une seule et même comète revenant à intervalle régulier de 76 ans.
Il prédit que cette comète reviendrait en 1758, ce qu’elle fit effectivement, validant ainsi sa théorie post mortem. Cet événement fut une confirmation éclatante que les comètes sont des corps célestes gravitant autour du Soleil et obéissant aux lois de la gravitation de Newton.
Catalogue des étoiles de l’hémisphère sud
En 1676, Halley est envoyé sur l’île de Sainte-Hélène dans l’Atlantique Sud afin d’observer les étoiles de l’hémisphère austral, encore très mal connues à l’époque. Il y établit un catalogue de 341 étoiles méridionales, publié en 1679. Ce travail représente une contribution capitale à la cartographie du ciel et complète celui de Tycho Brahe pour l’hémisphère nord.
Étude du mouvement propre des étoiles
En comparant ses relevés avec ceux d’Hipparque et de Tycho Brahe, Halley remarque que certaines étoiles, notamment Sirius, Arcturus et Aldébaran, semblent avoir changé de position. Il en déduit que les étoiles ne sont pas fixes, mais se déplacent dans le ciel au fil du temps. Il est ainsi le premier à identifier le mouvement propre des étoiles.
Théorie du mouvement de la Lune
Halley étudia également les irrégularités du mouvement lunaire. Il observa que les éclipses anciennes ne correspondaient pas parfaitement aux calculs modernes, ce qui le mena à proposer que la vitesse de la Lune augmente avec le temps, un effet réel qu’on appellera plus tard l’accélération séculaire de la Lune.
1738-1822 : William Herschel
William Herschel (1738–1822) fut l’un des astronomes les plus influents de la fin du XVIIIe siècle. Originaire d’Allemagne mais installé en Angleterre, il révolutionna l’astronomie non seulement par ses découvertes, mais aussi par sa méthode rigoureuse d’observation et sa capacité à construire lui-même des télescopes d’une qualité exceptionnelle.C’est sa contribution la plus célèbre. Herschel découvre par hasard une nouvelle planète en observant le ciel avec son télescope. Il pensait d'abord à une comète, mais l’analyse de son mouvement révéla qu’il s’agissait d’un astre au comportement planétaire.
Cette découverte étend le Système solaire pour la première fois depuis l’Antiquité et marque un tournant historique dans l'astronomie moderne.
Découverte de lunes et d’anneaux
Herschel découvre par la suite deux satellites d’Uranus : Titania et Oberon (1787). Il identifie également deux lunes de Saturne : Mimas et Encelade (1789).
Il observe les anneaux de Saturne avec plus de précision que ses prédécesseurs et décrit leur structure comme étant composée de nombreux petits corps.
Premiers relevés de la structure de la Voie lactée
En balayant le ciel avec ses télescopes, Herschel essaie de cartographier la Voie lactée. Il propose un premier modèle de la forme de notre galaxie, qu’il imagine comme un disque plat avec le Soleil approximativement au centre (erreur compréhensible à l’époque). Bien que ce modèle soit incorrect dans les détails, c’est la première tentative d’étude de la structure galactique.
Ces objets deviendront une base pour le New General Catalogue (NGC) utilisé encore aujourd’hui par les astronomes.
Construction de télescopes géants
Herschel construit lui-même ses instruments, perfectionnant les techniques de fabrication de miroirs en métal poli. En 1789, il achève un télescope de 1,20 mètre de diamètre et 12 mètres de long, le plus grand du monde à l’époque.
Ces instruments lui permettent des observations bien plus précises que celles possibles avec les lunettes astronomiques précédentes.
Découverte du rayonnement infrarouge (1800)
En plaçant un thermomètre au-delà du spectre visible rouge de la lumière solaire, Herschel découvre un rayonnement invisible qui chauffe davantage qu’une lumière visible : le rayonnement infrarouge.
Cette expérience est fondatrice de l’astronomie infrarouge, bien que son importance ne soit pleinement reconnue qu’au 20e siècle.
Herschel propose que les nébuleuses ne soient pas forcément des « amas d’étoiles » mais des gaz en cours de condensation, anticipant les théories sur la formation stellaire.
Il avance aussi que certaines étoiles binaires sont réellement en orbite l'une autour de l'autre, et non des coïncidences optiques: cela ouvre la voie à l’étude de la dynamique stellaire.
Développement des catalogues stellaires
L’astronomie devient plus systématique avec notamment John Flamsteed (premier astronome royal) et d’autres qui compilent des catalogues d’étoiles de plus en plus précis.Charles Messier publie son célèbre catalogue d’objets nébuleux (nébuleuses, amas, galaxies), dont M1 (nébuleuse du Crabe) ou M31 (galaxie d’Andromède).
La théorie de la gravitation perfectionnée
Pierre-Simon de Laplace développe une mécanique céleste très précise basée sur les lois de Newton. Il propose le modèle du Système solaire stable, anticipant l’analyse des perturbations gravitationnelles entre planètes.19e siècle : l'astronomie devient une science physique
Découverte de Neptune (1846)
Découverte par Johann Galle et Urbain Le Verrier (France/Allemagne), sa position est prédite par les mathématiques en analysant les anomalies dans l’orbite d’Uranus.Cette découverte marque le triomphe de la gravitation newtonienne: une planète inconnue est localisée grâce aux lois de la physique, avant même d’être observée.
Naissance de l’astrophysique
Joseph von Fraunhofer découvre les lignes d’absorption dans le spectre solaire (1814). Ces lignes permettent d’analyser la composition chimique des étoiles, ouvrant l’ère de la spectroscopie astronomique.Identification de la composition des étoiles
Les années 1840 - 1860 marquent le début de la spectroscopie appliquée à l’astronomie (Joseph Fraunhofer, Kirchhoff, Bunsen) qui se développe largement ensuite. On analyse la lumière des étoiles pour déterminer leur composition chimique, température et vitesse (par l'effet Doppler).Découverte des nébuleuses spirales
Grâce aux télescopes géants (comme celui de Lord Rosse en Irlande), les astronomes observent la structure spirale de certaines nébuleuses.Cela ouvre le débat. Sont-elles des objets à l’intérieur de notre galaxie ou bien des « univers-îles » lointains (ce que l’on confirmera au 20e siècle) ?
Découverte d’astéroïdes
Le premier, Cérès, est découvert en 1801 par Giuseppe Piazzi. Suivent Pallas, Vesta, Junon… L’existence d’une ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter est peu à peu confirmée.Mesure des distances stellaires
C’est un moment de transition fondamental qui prépare les grandes révolutions du 20e siècle, notamment la théorie de la relativité, le Big Bang, et l’astronomie moderne.
Le 20e siècle - l'Univers s'agrandit !
Le 20e siècle a été une période de révolution scientifique majeure en astronomie, marquée par une transformation radicale de notre compréhension de l’Univers. Grâce à l’avènement de nouveaux instruments, de l’astrophysique moderne et de l’exploration spatiale, les astronomes ont repoussé les limites du visible et du connaissable.
Naissance de la cosmologie moderne
Des le début du 20e siècle, Albert Einstein (1879 - 1955) va révolutionner notre compréhension de la gravité et de l'espace-temps. Bien que ses travaux aient d’abord été théoriques et non spécifiquement destinés à l’astronomie, ses théories de la relativité ont jeté les bases de l’astrophysique moderne. Les conséquences de ses idées sont immenses et se retrouvent dans presque tous les domaines de l’astronomie contemporaine.
Dans sa théorie de la relativité restreinte, Einstein établit que la vitesse de la lumière est une constante universelle, indépendante du mouvement de la source ou de l’observateur.
Le temps et l’espace ne sont pas absolus, mais dépendent du référentiel d’observation. L’équation célèbre E = mc² montre l’équivalence entre la masse et l’énergie.
La relativité générale est la grande œuvre d’Einstein. Il y décrit la gravitation non comme une force classique (newtonienne), mais comme une courbure de l’espace-temps provoquée par la masse et l’énergie.
Équation fondamentale: les objets massifs déforment l’espace-temps, et cette déformation dicte la trajectoire des objets en mouvement.
Conséquences astronomiques majeures :
Précession de l’orbite de Mercure: Einstein explique une anomalie non résolue par Newton (confirmée par l’observation).
Lentilles gravitationnelles: la lumière est courbée par la présence de masse, effet vérifié pour la première fois en 1919 par Eddington, lors d’une éclipse.
Trous noirs: objets prédits par les équations d’Einstein, dont l’existence est désormais confirmée (et même imagée depuis).
Dilations du temps gravitationnel: effets temporels mesurés à proximité de corps massifs.
Expansion de l’Univers: les équations d’Einstein permettent un Univers dynamique. Il introduira une constante cosmologique (Λ), qu’il qualifiera plus tard de "plus grande erreur de sa vie", bien qu’elle soit revenue à la mode avec l’énergie noire.
L’Expansion de l’Univers (Leavitt / Hubble)
Cette relation mathématique entre la période (durée du cycle de variation) et la luminosité intrinsèque devient connue sous le nom de loi période-luminosité de Leavitt.
Cette découverte met fin au modèle géocentrique étendu selon lequel la Voie lactée serait l’univers tout entier. Hubble prouve que notre galaxie est une parmi des milliards.
En 1929, Hubble établit une relation linéaire entre la vitesse d’éloignement des galaxies (mesurée grâce à leur redshift) et leur distance à la Terre (déduite grâce aux Céphéides): plus une galaxie est lointaine, plus elle s’éloigne vite.
C’est ce qu’on appelle aujourd’hui la loi de Hubble. Elle s’écrit :
v = H₀ × d
(v = vitesse, d = distance, H₀ = constante de Hubble)
Hubble n’a pas découvert seul l’expansion de l’univers. Georges Lemaître (1894–1966) en avait déjà déduit l’existence par des raisonnements théoriques.
Lemaître, prêtre catholique belge, physicien et astronome, publie en effet un article fondamental en français en 1927: "Un Univers homogène de masse constante et de rayon croissant, rendant compte de la vitesse radiale des nébuleuses extra-galactiques"
Dans cet article, deux ans avant Hubble, il applique les équations de la relativité générale à un modèle dynamique de l’univers pour en déduit que l’univers n’est pas statique, mais en expansion.
Il utilise les observations disponibles (notamment les redshifts de Vesto Slipher) pour estimer la constante d’expansion (ce qu’on appellera plus tard la constante de Hubble) et propose que les galaxies s’éloignent les unes des autres selon une loi linéaire: v = H × d
Lemaître anticipe les conclusions de Hubble (cependant, Hubble a apporté la preuve observationnelle de cette expansion), mais son article passe inaperçu car il est publié dans une revue belge peu lue. Ce n’est qu’en 1931 qu’il est traduit en anglais à la demande d’Eddington.
En 1931 toujours, dans un article publié dans Nature cette fois, Lemaître va plus loin. Il propose que l’univers a émergé d’un état extrêmement dense et chaud, qu’il appelle l'atome primitif'. Selon lui, tout l’univers aurait été contenu dans un seul point, et le temps et l’espace seraient nés avec l’explosion de cet atome initial.
Il est aujourd’hui reconnu comme le véritable père de la théorie du Big Bang, bien que cette appellation n’ait pas été de son fait. En effet, le terme fut inventé par moquerie par Fred Hoyle (partisan d’un univers stationnaire).
Découverte du Fond Diffus Cosmologique et Confirmation du Big Bang
Exploration du Système solaire
Sondes Pioneer (1958-1978)
Le programme Pioneer de la NASA marque les débuts de l'exploration interplanétaire. Ces sondes, lancées entre 1958 et 1978, ont ouvert la voie aux missions Voyager et aux explorations modernes.
Pioneer 0 à 5 (1958-1960): premiers essais lunaires
- Pioneer 1 (1958): première tentative américaine d'orbite lunaire (échec partiel)
- Pioneer 4 (1959) : premier survol lunaire réussi par les États-Unis
Ces sondes ont été lancées en orbite héliocentrique pour analyser les éruptions solaires et le champ magnétique interplanétaire. Pioneer 6 a 9 vont effectuer les premières mesures directes du vent solaire. A noter que Pioneer 6 va battre un record de longévité en transmettant des données jusqu'en 2000 (35 ans de service) !
Pioneer 10 et 11 (1972-1973) : vers Jupiter et au-delà
Pioneer 10 sera la première sonde à traverser la ceinture d'astéroïdes en 1972. Cela nous donnera la confirmation que la ceinture d'astéroïdes n'est pas dangereuse pour les sondes. Elle survolera ensuite Jupiter en 1973 et enverra les premières images rapprochées de la Grande Tache Rouge. Elle sortira ensuite du Système solaire en 1983 (premier objet humain à le faire). Le dernier signal fut reçu en 2003 à 12 milliards de km. Elle se dirige maintenant vers l'étoile Aldébaran avec une arrivée prévue dans... 2 millions d'années!
Pioneer 11 va egalement survoler Jupiter en 1974 et ira ensuite voir Saturne (1979). Le dernier contact avec la sonde remonte a 1995.
La "Plaque Pioneer fut fixée sur Pioneer 10 et 11. Cette plaque en aluminium, dont le but est de communiquer avec d'éventuelles civilisations extraterrestres, contient: un homme et une femme (schémas de Frank Drake/Carl Sagan), la position du Soleil via des pulsars, une représentation du Système solaire.
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La "Plaque Pioneer" |
Sondes Mariner (1962-1973)
- Mariner 10 en 1973 va utiliser l'assistance gravitationnelle de Vénus pour atteindre Mercure et réaliser le premier survol de cette planète. On découvre une surface similaire a celle de la Lune.
Sondes Viking (1975-1982)
Après les survols de Mariner, la NASA veut étudier Mars de près. Elle veut notamment analyser le sol et chercher des traces de vie. Viking 1 est lancée le 20 août 1975 et atterrit le 20 juillet 1976. Viking 2, lancée le 9 septembre 1975, atterrit le 3 septembre 1976.
Sondes Voyager (1977 - ...)
La NASA profite d’un alignement rare des planètes (1 fois tous les 175 ans) pour lancer deux sondes vers les géantes gazeuses afin d'en étudier les atmosphères, les lunes et les anneaux, mais aussi y chercher des signes de vie (par exemple dans les océans sous-glaciaires).
Voyager 1 est lancée le 5 Septembre 1977 vers Jupiter (1979) et Saturne (1980) avant de continuer son chemin dans l'espace interstellaire en 2012. C'est cette sonde qui a pris le "Portrait de Famille" (1990), incluant la célèbre photo "Pale Blue Dot" (la Terre à 6 milliards de km).
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Pale Blue Dot par Voyager 1 |
Enfin, les deux sondes Voyager sont particulières puisqu'elles ont toutes deux emporté avec elles un ''Golden Record'', un disque en or contenant des images de paysages, d'humains, de formules mathématiques, des sons (chant des baleines, musique de Beethoven, salutations en 55 langues) mais surtout les coordonnées de la Terre (via la position de pulsars).
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Golden Record emporté par les sondes Voyager |
Sonde Galileo (1989-2003): exploratrice de Jupiter
Lancée en 1989, la sonde Galileo de la NASA a été la première à se mettre en orbite autour de Jupiter et à étudier en détail la planète géante, ses lunes et son environnement magnétique. Sa mission a duré 14 ans, révélant des découvertes majeures sur le système jovien.
Télescope spatial Hubble (1990-...)
Le télescope spatial Hubble est l’un des instruments scientifiques les plus emblématiques de l’histoire de l’astronomie moderne. Placé en orbite autour de la Terre, au-dessus de l’atmosphère qui trouble les observations depuis le sol, Hubble nous offre encore une vue inégalée de l’Univers et a permis des découvertes majeures dans presque tous les domaines de l’astrophysique.Ses missions principales consistent a étudier la naissance et la mort des étoiles, comprendre la formation et l’évolution des galaxies, mesurer avec précision l’expansion de l’Univers, détecter des exoplanètes et analyser leurs atmosphères mais aussi explorer les confins de l’Univers observable (rien que ça!).
Problème initial (1990) et mission de réparation (1993)
La réparation du télescope spatial Hubble est l’un des épisodes les plus emblématiques de l’histoire de l’exploration spatiale. Elle a permis de transformer ce qui aurait pu être un échec coûteux en un triomphe scientifique.
Peu après son lancement le 24 avril 1990, les ingénieurs découvrent que les images de Hubble sont floues. La raison: une anomalie dans la forme du miroir principal, qui avait été poli avec une erreur de 2 microns (environ 1/50e de l’épaisseur d’un cheveu humain). Cette erreur empêchait le télescope de focaliser la lumière correctement.
Une mission de réparation est donc lancée en 1993, nom de code: STS-61. Pour corriger ce défaut optique, la NASA lance une mission de maintenance à bord de la navette spatiale Endeavour, qui embarque une équipe de 7 astronautes, dont Story Musgrave et Kathryn Thornton. Elle durera 11 jours, avec 5 sorties extra-véhiculaires.
La réparation principale consiste en quelque sorte a équiper Hubble de lunettes. On installe le système COSTAR (Corrective Optics Space Telescope Axial Replacement), un système de lentilles correctrices qui corrige le défaut du miroir primaire.
On en profite pour faire de la maintenance et des mise a jour:
- remplacement de la caméra Wide Field and Planetary Camera (WFPC) et installation de la WFPC2, spécialement conçue avec une correction optique intégrée
- maintenance générale dont remplacement des gyroscopes, installation de nouveaux panneaux solaires et amélioration des ordinateurs de bord
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Image floue de Hubble et après correction |
La mission est un succès total et redonne confiance au public et à la communauté scientifique ! Dès 1994, Hubble commence à fournir des images nettes et spectaculaires.
4 autres mission de maintenance auront lieu entre 1993 et 2009, toutes avec la navette spatiale Endeavour: STS-82 en 1997 pour une mise à niveau d'instruments, STS-103 en 1999 pour le remplacement de gyroscopes, STS-109 en 2002 installera une nouvelle caméra et de nouveaux panneaux solaires et STS-125 en 2009 (dernière mission) avec mise à jour finale.
Hubble est l'un des instruments les plus performants et les plus prolifiques de l'histoire de l'astronomie. Grâce à ces réparations, Hubble a pu fonctionner bien au-delà de sa durée de vie initialement prévue, et il continue encore aujourd’hui à envoyer des données précieuses depuis l’orbite terrestre.
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La célèbre image des Piliers de la Création dans la nébuleuse de l'Aigle |
Mars Pathfinder et Sojourner (1997) - exploration de Mars
Cette mission a aussi marqué le retour de la NASA sur Mars après deux décennies d’absence, et a suscité un immense engouement public à l’époque, notamment via les premières images diffusées sur Internet.
Naissance de l’astrophysique stellaire
Le 20e siècle voit l’explication physique du cycle de vie des étoiles. Fritz Zwicky et Walter Baade postulent les supernovae et les étoiles à neutrons, tandis que Hans Bethe décrit les réactions nucléaires au cœur des étoiles (fusion).
Émergence de nouvelles techniques d’observation
La radioastronomie se développe dès les années 1930 et permet de détecter les ondes radio d’objets invisibles en optique (ex : quasar, pulsar).- dans les années 70, les débuts de l'astronomie en rayons X, UV, infrarouge et gamma grâce aux satellites (comme Chandra, Spitzer, Hubble)
- le développement de la spectroscopie, permettant de connaître la composition, la température et les mouvements d’objets célestes.
Matière noire et énergie sombre
Découverte d’exoplanètes (1995)
En 1995, Michel Mayor et Didier Queloz découvrent la première exoplanète (51 Pegasi b) autour d'une étoile de type solaire.Structure et dynamique de la Voie lactée
Les progrès, les satellites et les programmes de recherche permettent de progressivement cartographier la forme spirale de notre galaxie, d’étudier des populations stellaires, amas globulaires, halo galactique... et bien sur de suspecter la présence d'un trou noir supermassif qui siège au centre de notre Voie lactée :Sagittarius A* (prouvé dans les années 2000)Exploration humaine de l'Espace
Les prémices et la course à l’espace (1940-1969)
- 1944: premier vol suborbital d’une fusée V-2 allemande (conçue par Wernher von Braun).
- Octobre 1957: l’URSS lance Spoutnik 1, premier satellite artificiel. Ce lancement fut un choc pour les Etats-Unis qui décidèrent d'investir massivement pour rattraper leur retard et amènera a la création de la NASA moins d'un an plus tard.
- 1963: Valentina Terechkova, première femme dans l’espace (Vostok 6).
- 1965: Alexeï Leonov réalise la première sortie extravéhiculaire (EVA).
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Le 20 Juillet 1969, Neil Armstrong est le premier humain a marcher sur la Lune |
Cet accident est l'équivalent soviétique de l'incendie d'Apollo 1 (qui avait eu lieu seulement trois mois plus tôt, en janvier 1967). Il a forcé un réexamen complet du vaisseau Soyouz, qui, une fois modifié, est devenu l'un des vaisseaux les plus fiables de l'histoire.
Il faudra attendre quelques heures de plus le 21 Juillet, à 2h56 GMT pour que Neil Armstrong pose le pied sur la Lune. Sa phrase est restée historique: "C'est un petit pas pour l'homme, un bond de géant pour l'humanité". 20 minutes plus tard, Buzz Aldrin le rejoint, décrivant le paysage comme une "magnifique désolation".
Les deux astronautes passent environ 2,5 heures à l'extérieur du module lunaire, réalisant diverses expériences scientifiques, et récoltant 21,7 kg d'échantillons de sol et de roches lunaires.
Après avoir retrouvé Michael Collins en orbite, l'équipage a entamé son retour vers la Terre. Ils ont amerri dans l'océan Pacifique le 24 juillet, où ils ont été récupérés par le porte-avions USS Hornet.
Stations spatiales et vols habités réguliers (1970-1990)
Années 1970 : premiers séjours prolongés en orbite
Lancée le 19 avril 1971 par une fusée Proton depuis le cosmodrome de Baïkonour, elle est la première station spatiale jamais placée en orbite avec succès. Son poids était d'environ 18,6 tonnes pour une longueur de 15 mètres.
L'objectif principal de Saliout 1 était de démontrer qu'il était possible pour des humains de vivre et de travailler dans l'espace pendant de longues périodes, ouvrant la voie à une présence humaine permanente en orbite. Les missions prévues incluaient des expériences scientifiques en microgravité, des tests technologiques des systèmes de la station mais aussi des observations astronomiques et de la Terre.
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Saliout 1: première station spatiale, lancée par l’URSS. |
La Station Américaine Skylab (1973-74)
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Station Skylab |
- Skylab 3 (SL-3): 59 jours (Juillet-Septembre 1973)
- Skylab 4 (SL-4): 84 jours (Novembre 1973 - Février 1974), record de durée à l'époque.
La station fut abandonnée en 1974 dans l'attente du développement de la navette spatiale, qui devait la rehausser sur une orbite plus haute. Cependant, des retards avec le programme de la navette ainsi qu'une activité solaire plus forte que prévue ont provoqué une décroissance orbitale accélérée.
Finalement, l'histoire de Skylab s’achèvera de manière aussi catastrophique que ses débuts. La NASA perdit le contrôle précis de sa rentrée et des débris de la station (d'un poids total d'environ 20 tonnes) tombèrent dans l'océan Indien et sur une zone désertique de l'Australie occidentale en juillet 1979, sans faire de victimes heureusement.
- 1977-1986: Série de stations soviétiques Saliout et début du programme Mir.
- 1981: premier vol de la navette spatiale américaine (Columbia).
- 1984: premières sorties en scaphandre autonome (MMU).
La Station Mir
La station était composée d'un module central qui servait de lieu de vie et de cœur opérationnel. Au fil du temps, 5 modules sont venus s'y amarrer:
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La station Mir |
On peut noter quelques incidents qui ont eu lieu a bord de Mir:
- un incendie en 1997: un générateur d'oxygène a pris feu, créant un danger grave mais maîtrisé par l'équipage.
- pannes techniques diverses : comme tout vaisseau vieillissant, Mir a souffert de pannes multiples (ordinateurs, systèmes de contrôle d'attitude, fuites), nécessitant un entretien constant de la part des équipages.
1 commentaires > Laisser un commentaire :
Bravo , je n'ai pas encore tout lu ,c'est un sacré travail de recherche !
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